Spartakiste

Spartakiste ne signifie pas être tourné vers le passé et rendre un culte incessant aux figures historiques de la critique du capitalisme.
Spartakiste n'est pas l'acceptation dogmatique de textes fondateurs d'un courant politique mais leur mise en discussion permanente dans l'objectif invariable de l'émancipation sociale.

Spartakiste c'est la mise en pratique de l'émancipation des opprimés, de la révolte de Spartacus et des esclaves contre leurs maîtres dans l'antiquité jusqu'à celle, à venir, des prolétaires contre les conditions d'exploitation dont ils sont les victimes. L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes.

Succédant aux théoriciens du socialisme utopique, Karl Marx donna le premier une base scientifique à l'émancipation internationale du salariat. Décrivant le Capital comme phase nécessaire de l'histoire de l'humanité, il dégagea de l'analyse de l'économie politique la tendance à l'émancipation du prolétariat, en germe dans le développement du capitalisme. L'abolition du capitalisme et de la société de classe signifie alors la suppression du salariat et de l'argent, le dépérissement de l'Etat.

Deux voies vont alors émerger dans le camp marxiste après la mort de Karl Marx à la fin du 19ème siècle. La nécessité première pour les partisans de la classe ouvrière d'acquérir des libertés d'expression politique et des conquêtes sociales atténuant les effets physiques et moraux de la production capitaliste va conduire à la création dans quelques pays d'Europe, notamment en Allemagne, de la social-démocratie. Les partis de la social-démocratie vont engendrer une formidable bureaucratie de "professionnels des intérêts ouvriers", bureaucratie aux objectifs essentiellement politiciens agissant au final pour son propre compte et remettant donc la révolution dans les tiroirs au profit d'une succession de réformes censées conduire au socialisme.
Cependant dans les rangs même de cette social-démocratie marxiste des révolutionnaires font émerger une critique du réformisme et la nécessité d'une émancipation radicale des travailleurs. Rosa Luxemburg restera la plus talentueuse de tous les critiques du réformisme au début du 20ème siècle. Elle critique d'abord la possibilité de la réalisation du socialisme par les réformes sociales en écrivant le premier ouvrage majeur de son oeuvre Réforme sociale ou révolution qu'elle dirige contre le théoricien réformiste allemand Bernstein, l'enrichissant d'une seconde critique quelques temps après.

L'opposition à la méthode réformiste va être enrichie d'une théorie de la méthode révolutionnaire. D'abord Rosa Luxemburg critiquera le centralisme des chefs de parti et leur prétention absurde à diriger le prolétariat, critique formulée à l'encontre du russe Lénine dans Les questions d'organisation. D'autre part si le dirigisme de l'organisation militante est sévèrement critiqué, le mouvement des masses ouvrières est lui mis en avant comme pratique révolutionnaire dans son exposé sur les Grèves de masses. Par la suite Rosa Luxemburg ne cessera plus de défendre un socialisme authentiquement révolutionnaire et internationaliste.
Rosa Luxemburg amorcera d'une part une critique du parlementarisme : "Le parlementarisme, loin d’être un produit absolu du développement démocratique, du progrès de l’humanité et d’autres belles choses de ce genre, est au contraire une forme historique déterminée de la domination de classe de la bourgeoisie et – ceci n’est que le revers de cette domination – de sa lutte contre le féodalisme." (Social-démocratie et parlementarisme) d'autre part une attaque sans concession vis-à-vis de la peste nationaliste dans un contextes de "luttes nationales" qui traversaient l'Europe, démontrant le carctère historique et bourgeois de l'idée de Nation (L'Etat-nation et le prolétariat).
Les critiques de Rosa Luxemburg sur le dirigisme, le nationalisme quel qu'il soit, les bureaucraties syndicales, l'illusion parlementaire, etc allaient rester inachevées du fait de son assassinat pendant la révolution allemande de 1918-1919.

Toutefois Rosa Luxemburg n'était pas une révolutionnaire isolée dans le néant social-démocrate. Un certains nombre de révolutionnaires allait se rassembler -formant la Ligue Spartakiste-, d'abord au sein de la gauche de la social-démocratie allemande (USPD) puis rapidement avec d'autres révolutionnaires en formant le KPD. Cependant la cohabitation entre spartakistes et bolchévistes à l'intérieur d'un même parti n'allait pas faire long feu : leurs conceptions du rôle des organisations militantes étant radicalement opposées. L'héritage spartakiste trouvera donc son prolongement dans le KAPD (Kommunistische arbeiter parti deutschland).
Mais Rosa Luxemburg et les spartakistes allemands ne seront pas les seuls à critiquer le réformisme, les bureaucraties syndicales et le dirigisme révolutionnaire. Aux Pays-Bas un théoricien radical, Anton Pannekoek, forgea une critique contemporaine de celle de Rosa Luxemburg sur des bases très semblables.

Comme on le voit, dès le début, les spartakistes ne forment pas un tout complètement homogène. Et c'est dans cette divesité qu'il faut les appréhender aujourd'hui, sans nécessairement chercher à savoir qui avait tort ou raison, qui est une facilité théorique a postériori qui ne ferait rien avancer.
Si l'on exclut les bolchévistes, qui divergent rapidement d'avec les spartakistes, on trouve un foisonnement de débats sur des questions essentielles pour le prolétariat et son émancipation, notamment pendant la période insurrectionnelle de 1918-1919 en Allemagne.

La prise du pouvoir politique par les nazis déplacera le centre de gravité de l'héritage spartakiste :
- Aux Pays-Bas avec d'abord le Gruppe Internationaler Kommunisten puis le CommunistenBond Spartacus.
- Aux Etats-Unis autour de la revue Living Marxism de Paul Mattick.
- En France quelques petits groupes vont se constituer : tout d'abord le groupe de l'Ouvrier communiste autour d'André Prudhommeaux, puis un collectif d'édition autour de René Lefeuvre : Spartacus.
D'autres groupes se constitueront en reniant leur héritage trotskiste pour se constituer autour d'un apport critique contre le léninisme (et le réformisme). Le groupe le plus significatif de cet après guerre est alors un groupe issu de "Socialisme ou Barbarie" (des ex-PCI donc), Information et liaison ouvrière (ILO) qui deviendra rapidement ICO (Information et correspondance ouvrières, en contact étroit avec les hollandais de Daad en Gedachte).

L'héritage spartakiste est celui de la critique permanente, celui de la décision de tous les militants, qui le plus souvent avaient raison contre les figures connues du mouvement révolutionnaire, et décidaient démocratiquement de l'orientation révolutionnaire intransigeante. C'est la seule ligne spartakiste reconnaissable : il n'y pas de "spartakisme", pas d'idéologie "spartakiste", ou "conseilliste", à appliquer comme une recette miracle. Il n'y a pas de culte de la personnalité ni de dogmes écrits par un panthéon de révolutionnaire, mais une critique révolutionnaire permanente.

Pour approfondir :
>>> Mouvement pour les Conseils ouvriers 1 : Allemagne 1919-1935
>>> Mouvement pour les Conseil ouvriers 2 : Pays-Bas 1934-1942
>>> Mouvement pour les Conseils ouvriers 3 : 1942-... .

Anton Pannekoek : hollandais, il est l'auteur des Conseils ouvriers qui fait le bilan et ouvre les perspectives de l'auto-organisation ouvrière d'une société communiste. Comme Rosa Luxemburg il prit très tôt la plume pour condamner les compromissions de la social-démocratie marxiste. Proche des Spartakistes son groupe militant de Communistes internationaux se fondit avec la Ligue spartakiste pour poser les bases du nouveau parti communiste.

Otto Rühle : un des fondateurs de la Ligue spartakiste, il y incarne une tendance sans concession, anti-parti (et anti-syndicale) mettant en avant l'auto-organisation des ouvriers. Il fut l'un des premiers spartakistes exclus du KPD à former le parti KAPD avant de s'en éloigner pour créer l'Union ouvrière AAUD-E. Il est donc l'auteur de la La révolution n'est pas une affaire de parti, mais également d'un pamphlet communiste antibolchévique La lutte contre le fascisme commence par la lutte contre le bolchévisme où il reproche au bolchévisme d'avoir contribué à paver la voie au fascisme.

Paul Mattick :ouvrier militant il adhère dès l'âge de 14 ans (alors apprenti aux usines Siemens) à l'organisation de jeunesse de la Ligue spartakiste. Après la scission au sein du KPD il rejoindra le KAPD. Lorsque les nazis accèderont au pouvoir il s'exilera aux Etats-Unis où il anime la revue Living Marxism. Militant du communisme des Conseils jusqu'à son décès en 1981 il laisse deux ouvrages principaux : Marx et Keynes-Les limites de l'économie mixte puis Crises et théories des crises.

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