Toutes
les marchandises s'échangent à leur valeur,
c'est-à-dire d'après le travail socialement nécessaire
contenu en elles. Si l'argent joue le rôle d'intermédiaire,
cela ne change rien à ce fondement de l'échange :
l'argent n'est que l'expression du travail social, et la quantité
de valeur contenue dans chaque marchandise s'exprime par la quantité
d'argent pour laquelle la marchandise est vendue. Sur la base de
cette loi de la valeur, il règne une égalité
complète entre les marchandises sur le marché. Il
régnerait aussi une égalité complète
entre les vendeurs de marchandises s'il n'y avait pas parmi les
millions de marchandises différentes qui s'échangent
sur le marché, une marchandise de nature tout à fait
particulière : la force de travail. Cette marchandise est
apportée sur le marché par ceux qui ne possèdent
pas de moyens de production permettant de produire d'autres
marchandises. Dans une société qui repose sur l'échange
des marchandises, on n'obtient que par voie d'échange.
Quiconque n'apporte pas de marchandises, n'a pas de moyen de
subsistance. La marchandise est le seul titre donnant à un
homme l'accès à une part du produit social, part
qu'elle mesure en même temps. Tout homme obtient en
marchandises de son choix une part correspondant à la quantité
de travail socialement nécessaire qu'il a fourni sous forme de
marchandise. Pour vivre, tout homme doit donc fournir et vendre une
marchandise. La production et la vente de marchandises est devenue la
condition de l'existence humaine. Pour produire n'importe quelle
marchandise, il faut des moyens de travail, des outils, etc., des
matières premières, un lieu de travail, un atelier avec
les conditions nécessaires du travail, éclairage, etc.,
enfin une certaine quantité de nourriture pour vivre pendant
la durée de la production et jusqu'à la vente de la
marchandise. Seules quelques rares marchandises négligeables
peuvent être produites sans moyens de production, par exemple
les champignons ou les baies récoltés dans la forêt,
les coquillages ramassés sur le rivage. Même là,
il faut quelques moyens de production, des paniers par exemple, et en
tout cas des vivres permettant de subsister pendant ce travail. La
plupart des marchandises exigent des frais importants, parfois
énormes, en moyens de production, dans toute société
de production marchande développée. A celui qui n'a pas
ces moyens de production, qui ne peut produire des marchandises, il
ne reste plus qu'à s'apporter lui-même, c'est-à-dire
sa propre force de travail, comme marchandise sur le marché.